Pour compléter ma chronique sur Les gens sérieux ne se marient pas à Vegas, j'ai contacté Serguei Dounovetz afin de lui poser quelques questions. Vous trouverez ci-dessous ses réponses, je le remercie pour sa disponibilité et sa gentillesse.
1/ Abel, le héros de votre livre, fait partie du groupe Les Maîtres Nageurs, tout comme vous. A quel point vous ressemble-t-il ?
Abel, le héros de mon roman est chanteur d’un groupe Rock garage nommé : Les Maîtres Nageurs. J’étais moi-même chanteur guitariste rythmique de ce groupe parisien de la fin des années 70, début 80. À la différence que le groupe qui est évoqué dans mon bouquin est texan, on peut considérer qu’Abel c’est ma pomme et qu’il fonctionne comme moi, l’identification est totalement assumée de ma part.
2/ Le Texas est presque une personnage à part entière dans votre roman, pourquoi avoir choisi cet état en particulier ?
J’ai choisi le Texas parce que cet état possède tous les ingrédients dont j’avais besoin pour mon histoire. C’est un état du Sud, ayant fait partie des états confédérés, avec une population majoritairement et historiquement raciste, dans lequel on trouve de nombreuses réserves indiennes. Quelques spécimens de vrais méchants des États Unis sont concentrés sur ce territoire et j’avais besoin de vraies brutes. Je voulais aussi dépeindre le visage de cette Amérique profonde qui a contribué à faire élire ce dingue de Trump. C’est aussi un hommage à l’un de mes auteurs fétiches, Jim Thompson, dont le père était Marshal au Texas, ainsi qu’à un certain cinéma qui continue de me nourrir, à l’image de films tels que Easy rider de Denis Hopper ou le cinoche des frères Cohen. Et puis, la raison la plus évidente est que mon polar est avant tout un Western, contemporain, mais un western.
3/ Quelles ont été les différentes sources d'inspiration pour ce roman ? (cinématographiques, musicales...)
J’ai un peu répondu à cette question précédemment. Plus que des sources d’inspiration, je voulais rendre hommage à une culture underground (avant que ce terme soit galvaudé) qui m’a façonné depuis toujours, les groupes garages, psychédéliques, punk de ma jeunesse, le cinéma bis, le cinoche indépendant américain des années 70, les auteurs tels que Brautigan, Bukowski, Carver et bien sûr l’immense Harry Crews, dont j’ai l’impression d’appartenir à la famille depuis que je l’ai découvert, (après avoir été publié, je précise).
4/ Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?
Les deux derniers livres que j’ai lu et que je conseille :
L’oiseau Canadèche de Jim Dodge (un petit bijou)
Des anges dans la neige de Stewart O’Nan (un auteur impressionnant)
5/ Votre auteur préféré ?
Mon auteur préféré sont deux, je ne peux absolument pas les départager :
John Fante et Harry Crews, oui, toujours des ricains.
6/ Un mot pour vos lecteurs ?
Ce ne sera pas un mot mais une tartoche, que j’ai mis en ligne à la sortie de ce roman pour mes futurs lecteurs :
J’ai passé des aubes et des nuits, des litres et des tiges, pour venir à bout de l’animal, 10 ans exactement. L’écriture est un sport de combat, la lecture un cagibi, un placard à pharmacie où l’on panse les mots. Avec ce texte, je me suis fritté, j’ai envoyé, encaissé, biffé, déchiré, recommencé, j’ai râlé, roulé ma caisse mais pas des mécaniques, profil bas face aux coups qui arrivaient comme des boulets, parfois de très loin, de l’époque où poète en maraude, chanteur maître nageur, gratteux besogneux, j’astiquais ma Mustang. Sexe, chlore et Rock’n’roll, Golf-Drouot, Gibus, Rose bonbon… Des souvenirs délavés, des copains qui ont calé, petites pépées qui remontent à la surface en buvant la tasse. J’ai trié, gueulé, massacré mon clavier, enfilé mon cuir râpé, grimpé sur ma Flandria et me suis lancé dans ce polar de tous les dangers. 10 ans de ratures, de réécriture, pour arriver à recoller à un passé révolu et cramé, ça ne laisse pas indemne, surtout quand tu as les pneus lisses.
Le but de la diatribe ? Situer l’enfer que l’on se choisit sur terre : Fin des années 70, dans un Texas rural, un groupe garage, grange dirait un puriste, est à un poil de gong de toucher le graal. Mais au moment où le lead guitar va balancer son fameux rif qui tue, une héroïne se pique de l’enlever… Abel, le chanteur, réalise alors qu’il ne sera jamais une Rock star et ça, c’est totalement inconcevable. Il avale un buvard et vole le corbillard dans lequel l’ex futur guitar hero est allongé, avec la ferme intention de le ressusciter. En chemin, il croise Candie, son amour de jeunesse, une photographe de talent qui va rabattre les cartes.
Un quart de siècle plus tard, manager d’un groupe de rock mythique, Abel revient aux affaires. Avec l’aide de son ami Formica, pirate sur le net et vampire à mi-temps, il est en passe de devenir roi du pétrole. Mais c’est sans compter sur un marshal tatillon passablement dépravé, une poignée de zombis qui ont les crocs et quelques vampires, échappés du cimetière de la réserve indienne voisine, qui s’ennuient à mourir.
Les gens sérieux ne se marient pas à Vegas, l’une des plus grandes arnaques du Rock’n’roll, mais aussi une histoire de passion, d’amitié, une tranche de survie agrémentée de piment et de sucre Candie, un western contemporain et picaresque, mais surtout un polar teinté de sang, d’humour et de beaucoup, beaucoup, d’amour…